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La réalité comme inspiration

Berthet One s’était promis qu’il n’y aurait pas de suite à L’Evasion. Il récidive pourtant avec Vive la Liberthet un album sur l’après-prison, entre Crumb et Les Lascars, à l’humour acide et profondément humain. Rencontre avec un auteur débordant de projets.

Poussé par son public

Quel est ton rapport avec la prison aujourd’hui ?

Berthet One : J’interviens dans les prisons, car quand j’étais incarcéré, j’ai participé à plein d’ateliers. Ça m’a permis d’écrire, de reprendre mes cours, etc. Et je me suis rendu compte que des gens venaient nous donner de leur temps alors que ce n’est pas notre famille ou nos amis. Je suis devenu dessinateur grâce à eux, donc je me suis promis de revenir en prison pour rendre la pareille.

J’ai créé une association pour les interventions en prison : maintenant je fais ça dans toute la France. C’est ma partie sociale. Dans mon univers artistique, je veux passer à autre chose, pour poser autrement mes galons d’artiste.

Tu avais promis qu’il n’y aurait pas de deuxième tome, comment en es-tu arrivé à Vive la Liberthet ?

Le premier album s’est fait de manière un peu particulière : entre les quatre murs de la prison où je décrivais ce que je voyais. En sortant, je me suis dit qu’il fallait vraiment que j’arrête avec ce thème : le problème, c’est que les gens m’ont harcelé pour savoir la suite.

Je me suis toujours fait pousser par le public : pour le premier tome, comme je dessinais sur la prison, il fallait des autorisations pour sortir les dessins. Quand je ne dessinais pas pendant un moment, la hiérarchie qui devait valider ces dessins pour la sortie demandait où étaient mes planches suivantes !

J’ai donc fait une suite pour répondre au public, qui voulait savoir ce que mes personnages sont devenus, mais je ne voulais pas reparler de l’univers carcéral directement, d’où mon album sur la sortie de prison. Je voulais décrire l’après, car beaucoup de gens pensent que la page se tourne facilement, alors que certains peuvent être cassés par ces semaines, ces mois, ces années coupées du monde.

Pourquoi avoir choisi Berthet One comme pseudonyme ?

Berthet, c’est mon prénom et je voulais le garder comme pseudo. Comme ça peut porter confusion avec Philippe Berthet le grand dessinateur. Je ne peux pas rivaliser, donc j’ai fait appel à ma culture graffiti : on met souvent « one » derrière le nom. Le tour est joué, j’utilise mon prénom mais j’évite la confusion.

Tu as gardé même ton prénom pour ton héros !

Ce n’était pas prévu que cette BD soit imprimée : c’était juste pour faire marrer les copains. Quand j’ai fait les premières planches, tout le monde m’a poussé à continuer et à chercher un éditeur. Quand je me suis rendu compte que ça pouvait être publié, je n’allais pas changer le nom de mon personnage, donc c’est resté Berthet !


D’ailleurs ton double ne te ressemble pas tout à fait…

Si je m’étais dessiné beau gosse musclé comme je le suis naturellement, ça n’aurait pas été marrant [Rires]. Je voulais parler de moi en passant par une sorte d’avatar, mais pas du genre héros pour qui tout va bien… Donc je me suis enlaidi et ai créé un avatar gringalet ! Du coup il s’agit du vrai Berthet, mais il est en galère, pas sûr de lui, avec ses découvertes et ses craintes. Ce personnage c’est donc moi mais pas vraiment moi.

Quand j’écris mes histoires, ça part toujours d’un élément déclencheur que j’amplifie. Pour la scène d’ouverture avec les mamies en plein commérage, c’est parce que j’imaginais ma pauvre maman et le regard des gens qu’elle devait subir. Pour la salle d’informatique qui s’est fait cambrioler, c’est pareil. Dès qu’il arrivait un truc dans le collège où je bossais comme pion, je me disais, ça y est ils doivent tous penser que c’est moi… La réalité déclenche donc toujours les gags de L’Evasion.


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Commentaire (1)

Bon courage bonhomme !
Ton récit est passionnant ! Si je tombe sur ta bd (je vais aller voir dans mon magazine) je l'achèterai. Bonne continuation j'espère que tu vas t'en sortir.

Le 12/10/2015 à 20h57